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De la Patagonie à l'Alaska
11 mars 2018

Viva Colombia!

Août - septembre 2016

Popayan, énième ville coloniale que nous visitons (brièvement pour le coup) avant d'atteindre San Agustín est notre première destination en Colombie. Alors que nous pensions en avoir terminé avec les chemins de croix, la route se révèle être un long calvaire. Heureusement, les années de pilotage du traclet de Sorniot rendent l'entreprise plus aisée (à moins que ce soit le shoot de café colombien ?). Si l'accès au site n'est pas une sinécure, ce dernier peut se targuer du double argument d'être non seulement le plus important d'Amérique de la période pré-incas mais aussi et non des moindres de ne pas être l'objet de processions de pèlerins. 
Nous décidons d'allier le fun et le culturel (ce qui n'est de fait pas incompatible) et partons à la découverte de cette civilisation à travers plantations de bananes et de café au (triple) galop.
Nos chevaux ont la pêche et s'en donnent à coeur joie. Leur fougue trouble la quiétude du bétail ruminant paisiblement dans les pâturages détrempés que nous chevauchons tels des cow-boys. Une première expérience d'enduro équestre fort appréciée et qui largue peut-être au second plan le côté culturel de la journée.

Au pays de Quintana, la petite reine est roi. Les cyclistes ont ici pour plus fervents supporters les soldats disséminés sur chaque tronçon de route, mitraillette au poing. Heureusement, ces gosses (ils ne doivent avoir guère plus de 20 ans) sont davantage intrigués par notre cuisinière à gaz que par la recherche de quelque stupéfiant dans notre viatique.
A Cali, hace macho calor! L'atmosphère pesante et le peu d'attrait apparent de la ville nous décident à éluder la capitale de la salsa (ou est-ce seulement une bonne excuse pour Guillaume pour ne pas aller danser?). C'est en lieu et place San Cipriano qui obtiendra notre faveur. Nous plongeons en quelques kilomètres en pleine forêt subtropicale à l'orée de la côte pacifique. Cette région peuplée à l'immense majorité de descendants d'esclaves africains est la grande oubliée du pays et de son gouvernement, mais aussi et c'est tant mieux (pour nous) du tourisme. La pauvreté y est plus prégnante qu'ailleurs, les infrastructures rudimentaires. La population, elle, est à l'instar de celle du reste du pays et de son voisin lusophone des plus décomplexée, spontanée et chaleureuse. On y retrouve d'ailleurs le même métissage. Un panel de couleurs sinon sans hiérarchie sociale au moins sans discrimination, contrairement au racisme latent mais bien présent de l'Argentine et du Chili. Pour se rendre dans ce village isolé, une seule solution - ce qui est en même temps son principal attrait - s'enfoncer dans cette immensité végétale à bord d'un brujita, sorte de banquette sur roulette propulsée par une moto montée sur un rail désaffecté. Dépaysement garanti! Tout ici invite à l'oisiveté. La chaleur et l'air saturé d'humidité nous accablent. Nous trouvons du répit dans l'eau claire et rafraîchissante du rio, quand ce n'est pas sur une terrasse animée, une cerveza au bout des lèvres. Durant la nuit, le ciel se déchaîne, comme pour se venger d'un soleil trop insolent et nous châtie d'un orage terrifiant. Le tonnerre, dans son courroux, gronde comme jamais nous en avons été témoins, secouant le sol que la pluie, déversant son fiel, a transformé en lit de torrent.

Puis c’est une belle surprise qui nous attend au retour du parc Cocora. Non seulement nous découvrons le bus WV d’un couple de voyageurs, mais en plus il se trouve que leurs propriétaires sont valaisans (d’adoption, mais nous sommes trop contents pour leur en faire le grief!). Ce sont les premiers Suisses romands que nous rencontrons (les Alémaniques sont par trop représentés !), ce que nous ne manquons pas de fêter autour de quelques berlingots de vin rouge. Nous passons ensuite deux jours ensemble dans une finca (sorte d’hacienda version colombienne) où l’on nous enseigne une matinée durant la culture et l’art du café. A Peirera, nous rendons visite aux enfants de la fondation Moi pour Toi. Le travail accompli par son fondateur et son équipe sur place force l’admiration. Malheureusement ici comme ailleurs, annihiler le problème de la misère sociale est une gageure. Derrière le sourire des enfants souvent orphelins se cachent des parcours de vie et des traitements ineffables mêlant misère, drogue, maltraitance physique ou encore abus sexuel. Jusqu’à 17 ans, ils bénéficient d’un encadrement global et efficient mais qui n’est cependant pas en mesure de leur garantir l'accès aux voies de l’accomplissement personnel, professionnel ou social une fois sur les routes de l'indépendance.

En attendant les retrouvailles d’Audrey et Rachel à Medellin, d’où nous partirons à la découverte des Caraïbes, nous prenons du bon temps dans les environs de Valle de Leyva, entre désert et pâturages bien de chez nous…

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La route qui nous mène au Peñol de Guatapé, saillie rocheuse aux abords de Medellin, parfait mirador sur l'ensemble de lacs qui l'entourent, nous offre un condensé de Colombie. Tandis que sur l'asphalte camions et motos belliqueux s'affrontent sans ménagement mais avec témérité, sur la chaussée, cantonniers et villageois, asphyxiés par les gaz d'échappement ou plus vraisemblablement par le manque d'air et la chaleur étouffante, semblent s'abandonner à la plus grande paresse. Les premiers, fidèles à ce qui ressemble ici à la règle font semblant de bosser tandis que les seconds, somnolant dans leur hamac, gardent un œil diligent sur le flux intarissable de véhicules, des fois qu'on voudrait bien les réquisitionner pour un nettoyage de carrosse ou pour se repourvoir en bananes. L'excitation idiote et suicidaire des uns contraste ici comme dans le reste du pays avec la léthargie chronique des autres.

Nous consacrons ensuite une journée à la visite de la tentaculaire Medellin, fief de feu le très regretté Pablo Escobar. Nous venons d'achever la série qui lui est consacrée et se rendre dans les quartiers où opérait son sanglant cartel est une expérience assez prenante. Abouliques, et par commisération peut-être pour les Colombiens et à plus forte raison pour les voisins pour qui la plaie est toujours ouverte, nous renonçons à la visite guidée de la maison qui l'a vu trépasser, tenue à ce jour par sa famille et son ancien comptable (pour financer des œuvres de charité, je précise). Nonobstant, exception faite des sculptures atypiques de l'artiste natif Botero, le survol des faubourgs se révèle pour nous bien plus intéressant que celui du centre-ville, paradis oppressant du fake.

C'est en la compagnie de Rachel que nous achevons notre découverte du pays. Pour elle, nous avons gardé le meilleur pour la fin, à savoir la côte caraïbe, de Rioacha à Cartagena. C'est dans la moiteur nocturne d'une station-essence de bord d'autoroute connue des routiers comme des moustiques qu'elle se remet (avec une confondante facilité) des sept heures de décalage horaire. Après deux nuits intenables, faisant fi d'une promiscuité certaine, on peut dire qu'elle a fait le pire du meilleur. 
Cartagène et toute la côte avec elle ne sont que dichotomies, terres de contrastes et d'opposition. Ainsi se côtoient fatras et raffinement, misère et opulence, nature et pollution, plages désertes et préservées et tourisme (et consumérisme et bêtise) de masse. Un paradis en enfer ou un enfer au paradis, selon que l’on est touriste ou descendant d'esclaves.

Force est en tous les cas de constater que notre idée sublimée des Caraïbes ne colle pas à la vie bien frugale des pêcheurs qui déjà n’ont plus grand chose à pêcher. La raréfaction des ressources marines, nous la constatons nous aussi, à travers ces petits poissons de corail flottant inertes en surface. Car si subjectivement la température particulièrement élevée de l'eau est des plus appréciée, objectivement ses causes et ses conséquences sont inquiétantes voire dramatiques. Le sort des Indiens et de leurs enfants non scolarisés vivant dans les réserves alentours n'est guère plus enviable. Dans les Caraïbes, tout n'est pas « luxe, calme et volupté », loin s’en faut.

Sûr qu'au beau milieu de tous ces contrastes, Rachel trouvera dans ses valises de la place pour le souvenir de sa complicité avec Miki le singe (mais avec sa sœur aussi), des petits déjeuners et des apéros chips - rhum coca (presque) seuls sur des plages paradisiaques ou encore, si vraiment il en reste de la place, pour celui du sublime banquet et de la délicieuse soirée qui précéda son départ…

A nous maintenant l’exaltation des procédures administratives un zeste absconses à notre goût pour l’envoi de notre véhicule au Panama, dans le tumulte infernal de cette ville, symphonie dysharmonique qui n'est pas sans rappeler à Guillaume l’assourdissante anarchie de l’Inde. Nous ratissons la ville à la course en quête des innombrables documents requis. Des jours durant, larmes de détresse et gouttes de sueur ne font qu'une. Nous venons cahin-caha à bout de ces impénétrables formalités. C'est à présent cinq jours de voilier à travers les îles San Blas qui nous attendent, au terme desquels nous retrouverons notre véhicule pour poursuivre notre périple en Amérique centrale.

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Difficile d'envisager meilleur anxiolytique pour recouvrer la sérénité que cette croisière dans l'archipel des San Blas qui doit nous mener au Panama et par la même mettre un terme à 11 mois de villégiature (doux euphémisme) en Amérique du Sud. C'était sans compter l'apparition simultanée des signes les plus manifestes d'une incommodité immanente au tangage émétique du voilier.

Cet ensemble d'îlots archétypiques des Caraïbes habités par une petite communauté, les Kunas, nous donne l'impression de faire irruption dans une carte postale. Si l'on était tentés de leur envier leur cadre de vie et les quelques avantages que leur confère une vie presque à l'état de nature, leur contact nous donne la juste dimension d'une condition primitive donc fruste de ces isolats (effectivement, quelques familles). Fouler le sable fin et immaculé (de loin seulement), socle de leur habitat, impose à nos yeux (d)éplorés un spectacle particulièrement inique. Cet archipel constitue un filtre à la consommation orgiaque des lointaines cités. Ainsi, alors qu'ils figurent parmi les derniers représentants d'un monde où tout ce qui était fabriqué était biodégradable, leurs plus réguliers contacts avec « la civilisation » ont pris la forme de bouteilles plastiques, paquets de chips et autres couches culottes jetés sans vergogne et venus s'échouer à leurs pieds.

Plus égoïstement, nous avons pu goûter cinq jours durant, en la seule compagnie d’un autre couple à bord de ce voilier, à un parfum de luxe et d’exclusivité apprécié à sa juste valeur.

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